Un ange avec des baskets by Moka

Auteur:Moka [Moka]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Jeunesse
Publié: 2020-11-30T05:00:00+00:00

5

L’INQUISITEUR BARBEREAU

Je suis trempé de sueur. Il fait trop chaud dans mon lit. Je repousse le drap et je me lève. J’ouvre le volet. Le soleil est derrière les lignes électriques. Il est encore tôt. Wendy dort.

J’entends gratter à la porte. Gaspard apparaît. Il est habillé. Il vient vers moi en surveillant Wendy.

— Partons tout de suite… murmure-t-il.

Il a raison. Profitons qu’ils ronflent, les deux autres. Comme ça, pas d’explications à donner. Je finis de m’habiller dans le couloir. On file par la salle de bains parce que grand-mère est déjà debout. Elle ne nous laisserait jamais sortir sans avoir pris de petit déjeuner. On n’a pas de temps à perdre.

Il est à peine sept heures. Il fait une chaleur étouffante. La température n’est pas tombée pendant la nuit. Au contraire, c’est comme si la chaleur avait repris des forces avant le lever du soleil. La rosée s’est évaporée. L’herbe jaune est sèche et dure, elle m’écorche les chevilles.

Moi qui aimais tellement la forêt, maintenant elle me fait peur. Gaspard regarde la cime des arbres.

— Qu’est-ce que tu fais ? je demande.

— Les oiseaux ne chantent pas, répond-il. C’est trop silencieux, ici.

Il pense la même chose que moi. Ce n’est pas normal. Il n’y a pas de vent. Les insectes bourdonnants ont disparu. Les arbres sont immobiles et noirs contre le ciel pâle. Il n’y a aucun bruit, que celui de nos pas. La forêt s’est arrêtée de respirer. Tout, autour de nous, retient son souffle.

Et, brusquement, les cloches de l’abbaye se mettent à sonner.

Au tournant du chemin, les murs apparaissent. Hauts, gris, sinistres. La tour d’angle domine. Elle est complète. On aperçoit les cloches qui remuent. Le son s’éteint lentement.

La porte du porche est fermée. Gaspard pose la main dessus. Elle résiste.

On entend des voix. Il n’y a personne mais les voix sont tout près. Soudain, la porte s’ouvre. Je sens un frôlement. J’échange un regard avec Gaspard. Nous sommes entourés de fantômes. Gaspard m’empoigne et me pousse à l’intérieur avant que la porte ne se referme.

— On ne nous voit pas… souffle-t-il. Pas plus qu’on ne les voit… Mais il y a des gens partout !

— Tu crois qu’ils peuvent nous entendre ?

— Chais pas… Prudence.

L’abbaye semble intacte. Nous marchons dans le cloître vers le cachot de Rachel. Il est grand ouvert et Rachel n’y est pas.

— Oh non ! dis-je. Qu’est-ce qu’ils ont fait d’elle ?

— Chut ! Pas si fort… Écoute. Il y a des gens qui parlent, par là-bas.

Je reconnais l’endroit. C’est là où ils interrogeaient Rachel la dernière fois. Au bruit qu’ils font, il doit y avoir beaucoup de monde. Il n’y a pas de porte. On peut entrer.

Rachel est assise sur le même siège en bois. Elle a les mains derrière le dos. On l’a attachée ! Elle a les paupières baissées et les larmes ont laissé des sillons sales sur ses joues. J’ai envie de hurler.

— Silence !

Il y a encore un murmure. Nous nous approchons de Rachel. Il faut qu’elle sache qu’on est là.

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